Le bassin houiller de Decazeville
Groupe Lithothèque
Midi-Pyrénées



I Les conditions ayant présidé à la formation de charbon à Decazeville

1 - Les conditions ayant permis de produire une grande quantité de matière organique

Le paléoenvironnement a une forte productivité primaire en matière organique : la flore fossile stéphanienne est abondante et riche. La faune, par contre, représentée essentiellement par des restes de poissons dans la partie supérieure de l'assise de Bourran, est beaucoup moins riche. Les fossiles collectés permettent ainsi de réaliser une reconstitution du paléoenvironnement de Decazeville à la fin du Carbonifère : il s'agissait d'un biome de type forêt tropical humide, en bordure de bassin sédimentaire continental laguno-lacustre (bassin dit limnique).

La position paléogéographique de la zone peut être reconstituée, en particulier à partir de l'étude des anomalies magnétiques : par application du principe d'actualisme, on explique ainsi les conditions paléoclimatiques, le territoire étant située en zone intertropicale à l'époque Stéphanienne (fini-Carbonifère).

D'après Ron Blakey, NAU

D'après Scotese                                           

2 - Les conditions ayant protégé la matière organique de la décomposition

La tectonique extensive active du bassin est à l'origine d'une subsidence avec enfoncement du fond, permettant l'accumulation rapide et massive de sédiments sur la matière organique, isolant celle-ci et la préservant de la minéralisation par décomposition.
Le rejeu épisodique des failles normales permet ainsi la réalisation de cycles sédimentaires à plus ou moins grande échelle, contrôlés par la tectonique.
A petite échelle, de tels cycles forment des séquences sédimentaires répétées appelées cyclothèmes :

Crédit : 2005 Encyclopædia Universalis France S.A
La séquestration massive de carbone dans une matière organique mal décomposée peut aussi être attribuée à l'innovation qui apparait chez des trachéophytes de l'époque : la lignine, composé polyphénolique difficilement dégradable et à laquelle une adaptation efficace des décomposeurs a mis du temps à apparaitre. (d'après R.A Berner)

3 - Les conditions ayant permis une fossilisation de la matière organique conservée

La subsidence active permet aussi, par l'accumulation massive de sédiments, un enfouissement de la matière organique : sous l'effet de la pression lithostatique et du gradient géothermique, les molécules organiques devenues instables réagissent en plusieurs étapes (diagenèse, catagenèse, métagenèse)

Diagramme de Van Krevelen, modifié            

D'après Durand, 1987                                         
L'évolution de la composition chimique des roches carbonées montre une réduction progressive des molécules : les roches sont de plus en plus riches en carbone.
Des composés plus volatiles (hydrocarbures, gaz) sont également générés, mais en plus faibles quantités du fait de la nature de la matière organique d'origine, issue principalement de trachéophytes.

Conditions de la Diagenèse : entre 20 et 50 ° C pour une profondeur de quelques centaines de mètres à 1000 m
Conditions de la Catagenèse : entre 50 et 150 ° C pour une profondeur entre 1000 et 6000 m
Conditions de la Métagenèse : entre 150 et 250 ° C pour une profondeur dépassant les 6000 m
Au delà de la métagenèse, les conditions de température et de pression correspondent au champ du métamorphisme, dans lequel le graphite est stable.

II Le contexte régional à l'origine de la formation et de l'évolution du bassin limnique de Decazeville

L'ouverture du bassin de Decazeville, comme celle de nombreux bassins limniques fini-carbonifères, est à mettre en relation avec la pénéplanation par effondrement gravitaire de la chaine Hercynienne sur la fin de son orogenèse.

Avant la sédimentation stéphanienne, le bassin de Decazeville se situe à un carrefour d’accidents tectoniques.
Les premiers sédiments vont donc s’accumuler sur une surface compartimentée, facilement déformable selon trois directions principales :
- Nord-Sud, N 10° à 20° Ouest et N10° Est : faille d’Argentat entre Bagnac et Bouillac, le Grand Sillon Houiller, la zone de moindre résistance de Lugan-Livinhac
- N 30° Ouest : synclinal de la Gaillardie, la brèche du Vignier d ’Agnac
- N 40° à 50° Ouest : failles issues de la faille d’Argentat et la prolongeant vers le SE

Les premiers dépôts se sont donc accumulés dans une dépression étroite et peu profonde allongée Nord-Sud qui et devenue par la suite la cuvette principale.

Au cours de son fonctionnement, le bassin de Decazeville offre des exemples très précis d’enchaînements entre les phénomènes de subsidence, d’érosion et de sédimentation.
Les phases de subsidence brutale sont plus importantes que dans la plupart des bassins du Massif Central, qui ne connaissent pas la répétition d’arrivées détritiques aussi massives, interrompant brusquement les phases de sédimentation phytogène. Ces mouvement saccadés sont peut être dûs à la mise en place des granites avoisinant le bassin.


Carte schématique indiquant les grands traits de la tectonique anté-stéphanienne
(Thèse P. Vetter, Tome 1 p : 279)
Les principales déformations subies par le contenu stéphanien sont contemporaines du remplissage du bassin. Les mouvements post-stéphaniens ont accentué les déformations ébauchées mais sans imposer un style tectonique différent :
- Au début du dépôt de l’assise de Bourran, le bassin a subi un mouvement de compression latérale dirigé d’Ouest en Est qui a redressé la bordure Ouest, déterminant ainsi des axes synclinaux et anticlinaux à grand rayon de courbure, sensiblement parallèles aux bordures du bassin. Le charbon a commencé à fluer dans les anticlinaux. Cette disposition s’accentuera avec la tectonique post-stéphanienne (ex : anticlinal de Lassalle, exploité dans la Grande Découverte, observable en coupe dans la partie historique).
- Au Permien, la subsidence semble s’être arrêtée et une seconde phase de plissement a probablement eu lieu, accentuant les structures antérieurement ébauchées.
- Enfin, la tectonique tertiaire en relation avec les mouvements alpins, a affecté le Houiller et l’Oligocène dans la région Nord du bassin, en faisant rejouer les failles antérieures.